Avec «Anthracite», Cédric Gras part sur les routes d'Ukraine pendant la guerre (chez Stock)

Entre guerre civile et mines d'«Anthracite» de Cédric Gras (chez Stock).




Pourquoi on aime ce livre ?

  • Parce que oui, en 2016, c’est encore la guerre aux portes de l’Europe (le roman se déroule en 2014) et que personne n’en parle. Cédric Gras nous le remémore. Nous voilà partis sur les routes du Donbass, en Ukraine. L’auteur, qui a beaucoup d’empathie tout comme les protagonistes, a même prévu pour nous un gilet par balle dans le coffre de la voiture.
  • Parce que lire un Que sais-je ? sur le conflit du Donbass nous aurait barbés, mais avec ces petites histoires de frères de sang russophones, on balaie et on comprend facilement la grande Histoire. A ce jeu d’échecs, c’est le sort des pions qui nous intéresse et non celui des rois, les oligarques. Pas de parti pris pour autant : tout le monde peut donner son avis.
  • Parce qu’on se prend d’affection pour le héros, Vladen, qui en voit de toutes les couleurs depuis sa naissance. Il est né en 1972 dans un Etat qui n’existe plus et la neige de l’Arctique recouvre la tombe de son papa, au visage couvert de suie. Plutôt que le bleu de travail, Vladen enfile le costume de maestro grâce à son don de violoniste et connaîtra les dorures des Opéras de Paris et de Berlin. Ce qui en fait un personnage candide qui redécouvre son pays en même temps que nous. Près des mines d’anthracite de Donetsk, le drapeau de l’URSS flotte toujours après 1991. Le sang va vite couler.
  • Parce ce qu’on aime l’humour et la sensibilité de ce livre, même si à tout moment le ciel ou une bombe peuvent nous tomber sur la tête. Il n’y a pas que les balles qui fusent, les bons mots aussi.

De quoi ça parle?

Vladen, chef d’orchestre séducteur d’origine grecque, a plombé l’ambiance d’une fête pro-russe en y jouant l’hymne ukrainien. Le troubadour doit alors fuir fissa Donetsk et commence un road-trip à travers son Donbass natal avec Emile, son ami d’enfance. Cette course haletante va nous faire rencontrer des babouchkas, des Rouges« homo sovieticus », des Blancs et l’arc-en-ciel des couleurs politiques. Bref, on tape la causette avec l’autochtone et chacun a sa vision de la situation.

Qui sont les personnages?

Les deux quarantenaires baroudeurs sont de véritables Bridget Jones. Ces grands gaillards ont la larme facile. Ça papote dans la voiture pendant des heures sur leurs amours amers, jusqu’à en oublier de freiner aux check points des séparatistes. Ca se console et ça se panse les plaies, au sens propre comme au sens figuré. Ils retrouveront coûte que coûte leurs dulcinées. Mourir au front, tant pis. Mourir d’amour, c’est déjà fait.

Où ça se passe?

Avant la lecture de ce roman, on aurait eu bien du mal à placer le Donbass sur la carte. Il faut être honnête, cette destination ne fait pas rêver. Finalement, plus on avance dans la cambrousse, plus on trouve du charme à cet espace immense et vierge aux confins de l’Empire russe. La révolution industrielle a dessiné son paysage. Les terrils miniers de l’anthracite et les usines sidérurgiques remplacent les cathédrales. La fabrication de coke s’accompagne de l’émission de poudre, mais celle-ci est noire et non pas blanche, vous avez l’esprit mal tourné. Climat continental oblige, la chaleur grimpe en été, en même temps que la guerre s’accélère.

A quelle époque?

Quand le mur de Berlin tomba, l’Ukraine à sa suite proclama son indépendance. Vingt plus tard, à l’hiver 2014, la révolution dite de Maïdan éclata. Elle mettait à bas toutes les incarnations du socialisme. Alors l’Ukraine se scinda rapidement en deux : les anti-Lénine et les partisans d’une contre-révolution, qui se mua vite en sécession. Quand on habite au Donbass, il faut mieux vite choisir son camp.


Combien de pages à dévorer?


336 pages



Je ne suis pas journaliste mais je fais partie de la communauté de lecteurs de 20 Minutes. Vous pouvez me retrouver sur 20minutes.fr :

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Succès mondial justifié pour Paula Hawkins avec "La fille du train" (Chez Pocket)

Dans les secrets de famille des corps conjugaux de Sophie de Baere aux Editions JC Lattès

Les mille vies de Lucia Berlin dans "Manuel à l’usage des femmes de ménage" (chez Grasset)